11. Sofia

Au petit matin dans le train, nous avons été réveillés par un gros monsieur et sa maman qui voulaient s'installer en toute hâte dans notre compartiment. Ils étaient pressés et nous dormions dans nos sacs de couchages, presque nus pour la première fois, malgré la saleté du train.
Nous leur avons fait une place, nous réveillant à peine. Les deux se disputaient un peu, on pouvait sentir leur nervosité.
Et puis ils ont sorti un tournevis et ont commencé à farfouillé le train en piteux état. Ils se donnaient des ordres de temps en temps et se disputaient de nouveau. Nous ne comprenions rien. Ils ont démonté la lampe au plafond de notre compartiment, ont trouvé un trou et ont scruté l'intérieur. Ils avaient l'air satisfait.
Ils ont ensuite sorti de leurs gros sacs de sport des tas et des tas de barres de paquets de cigarettes qu'ils ont emballé dans des sacs poubelle noirs. Ils ont caché toute leur marchandise illégale dans le faux plafond et ont bien tout revissé. Ils se sont détendus et sont devenus gentils avec nous. Ils nous ont proposé des cigarettes à deux centimes ou bien ces barres au chocolat coupées à l'huile hydrogénée. Non merci. Le contrôleur est passé, ils étaient gênés. Il savait très bien ce qui se passait. Il lui ont simplement donné de l'argent et il est reparti. Je l'ai croisé dans le couloir pour aller aux toilettes, il m'a interdit toute photo.
Des néo-zélandaises sont venues nous dire qu'il se passait la même chose dans chaque compartiment. Je pense que ça arrive très souvent, que ce train a même été conçu pour ça.


Une femme qui guette dans le couloir.

Ils fumaient tous cigarettes sur cigarettes bon marché. Le gros monsieur m'a dit que c'était juste pour faire un peu plus d'argent pour le mois. Nous avons passé la frontière bulgare sans aucun contrôle de douane. L'équipe s'est dépêchée de tout dévisser, de récupérer la marchandise, de remettre les paquets dans les sacs de sport. Ils sont descendu au premier arrêt de train où une voiture les attendaient pour charger les sacs. Ils sont partis plein de joie. Nous voila en Bulgarie.



La bande qui rejoint la voiture.


Ils chargent le matériel.


La ville de Sofia est dans la lignée de ce que nous avons aperçu des Balkans. Beaucoup de choses détruites ou très mal entretenues. La ville a ses richesses, généralement peu mises en valeur. À notre arrivée à la gare, nous voulions tout de suite reprendre un train pour Thessaloniki. L'ambiance était vraiment froide. Mais nous avons voulu être courageux et voir de nos yeux la capitale bulgare.
Nos déplacements à vélo influencent beaucoup notre perception de la ville. Ici il est très difficile de circuler et aucun trottoir n'est aménagé de façon à permettre le passage en vélo. À la longue, c'est agaçant de descendre de vélo à chaque trottoir. Et hors de question d'aller sur la route, la circulation est vraiment dangereuse.



Comme d'habitude, nous avons cherché le centre depuis la gare. J'ai eu le fort sentiment d'être étranger, pas à ma place. Je me suis senti regardé comme un animal sorti du bois.






Des chants dans la rue.








Nous avons ressenti de la tristesse dans beaucoup d'endroits de la ville. Nous avons visité un marché Nazi, spécialisé dans les objets de la seconde guerre mondiale. Ils y vendent aussi de très vieux bijoux et monnaies byzantines. Les prix de départ sont très élevés, mais on peut marchander très facilement et s'en sortir pour quasiment rien.


La gare de Sofia, immense, stalinienne, où nous nous sommes ennuyé avec Louise. La nourriture était mauvaise, sans goût. Il y avait des boîtiers qui produisent des sons très aigus qui font mal aux oreilles des jeunes. Nous avons acheté un jeu de carte et découpé des jetons dans le paquet. Nous nous sommes fabriqué un jeu de poker de fortune pour tuer le temps.


Le train que nous avons pris le soir était flippant. Pour la première fois, j'ai vraiment cru que nous allions avoir des problèmes. Quand nous sommes entrés dans le wagon, il y avait déjà des personnes installées dans chaque compartiment. Dans un de ces compartiments, il y avait un vieux bulgare, desséché, et personne ne voulait se mettre à côté de lui. Nous avons ouvert et sommes rentrés. L'odeur était horrible. Nous avons vite ouvert la fenêtre. Quand il a vu que j'avais de l'eau il m'en a demandé, je n'ai pas pu refusé et je lui ai donc offert la bouteille. Il a voulu que l'on ferme la fenêtre parce qu'il gouttait du nez et raclait souvent le fond de sa gorge. Il était vraiment pourri avec les yeux humides.
Nous avons essayé de savoir à quel gare il descendrait pour être rassuré à l'idée d'être seuls au moins quelques heures. Et puis nous nous sommes fait à l'idée d'être trois dans la pièce avec le vieillard. Nous pouvions dormir malgré tout, et assez bien.
Nous commencions à bien nous installer quand deux Françaises, de Lyon, ont surgit en panique dans le compartiment. Elles voulaient à tout prix s'installer avec nous. Elles nous ont raconté qu'elles avaient peur parce qu'à la gare, on les avait mis en garde sur ce train. Au gichet, on leur a déconseillé de le prendre, car il est réputé dangereux. On leur a dit de réserver des couchettes, mais il n'y avait plus de place disponible ce soir-là et elles ne pouvaient pas rester une nuit de plus à Sofia. Elles ont donc décider de dormir en compartiment, comme nous.

Leur histoire nous a un peu faire peur à nous aussi. Nous avons donc dit que nous ne nous séparerons pas et qu'à quatre, rien ne pourrait nous arriver. Nous avons discuté de nos voyages, comparé nos expériences. Contrairement à nous, elles ont eu un gros coup de cœur sur les Balkans. C'est drôle de se parler en terres étrangères, on ne les aurait jamais abordées à Lyon. On les aurait peut-être détestées. Mais là, c'était magique. Nous parlions depuis déjà un long moment quand un grec est venu nous annoncer qu'il avait reservé le compartiment avec ses amis et qu'ils allaient venir s'installer.
Nous avons dû partir du compartiment pour en chercher un autre. Il n'y avait quasiment aucune place dans les autres, et nous avions nos vélos à ranger. Aucun ne donnait vraiment envie d'y dormir.
Avec Louise nous en avons trouvé un où nous avions des places l'un en face de l'autre. Nous le partagions avec quatre personnes qui ne nous inspiraient vraiment pas confiance. C'était sans préjugé, mais ce que nous avait dit les lyonnaises sur le train nous faisait peur. La lumière était glauque et écrasante, je ne voulais pas dormir. Avec Louise nous nous sommes relayés pour faire de petites siestes. Nous échangions de très rapides phrases, où nous nous disions de nous méfier. C'était très oppressant.
J'ai néanmoins tenté de briser la glace avec l'un deux qui parlait anglais. Nous avons échangé des paroles, nous nous sommes présenté. La nuit fut longue, nous avions sept heures de voyage ensemble, ponctuées par des aller-retour à la fenêtre du couloir, des contrôles d'identités interminables où le train reste en gare et des montées de passagers à la mine patibulaire.



Au début, je n'en menais pas large, mais j'ai fini par me détendre et à dormir quand même. Je me suis dit que s'il devait m'arriver quelque chose, ça arriverait aussi bien si je dors que si je suis éveillé. Finalement, il n'y a eu aucun soucis et nous sommes arrivés à Thessaloniki vers 6h, assez fatigués.

Notre correspondance n'était pas indiquée, cette gare est un vrai désastre. Nous avons failli manquer notre train à quelques secondes à cause de mauvais renseignements. Nous avons même dû payer un supplément de trente euros car il s'agissait d'un train à grande vitesse.
Le contrôleur a fait la tête pour les vélos, nous avons trouvé un emplacement convenable pour les ranger alors il s'est calmé. Les trains que nous prenons en Grèce ressemblent à nos TER français car ce sont des lignes nationales et non plus internationales. Il est beaucoup plus difficile de se reposer dans ce genre de nouveauté, c'est pourquoi nous sommes arrivé à Athènes vers midi vraiment courbaturés. Mais l'excitation de découvrir cette ville mythique a prend le dessus et nous donne des forces.

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